13 décembre 2012

Payer pour gérer sa e-reputation, quel résultat?


Face au boum des agences d'e-reputation, les compagnies d'assurance n'ont pas perdu de temps pour s'adapter au marché et proposer de nouveaux types de services garantissant la protection de toutes informations personnelles mais aussi leur suppression en cas de litige.

Ainsi Axa  garantit pour 10,40 euros par mois "Aide à la résolution des litiges, accompagnement dans les démarches à accomplir, nettoyage des données malveillantes sur internet, information juridique par téléphoness soutien psychologique prise en charge des frais et honoraires pour la défense des droits de l’assuré. A l’amiable : jusqu’à 1 000 € par litige / an,  au judiciaire : jusqu’à 10 000 € par litige / an, indemnisation du préjudice causé jusqu’à 5 000 € / an"


 Swiff Life quant à elle nous promet pour 9.90 euros par mois  "L’accès à une équipe de juristes qui vous orientent dans vos démarches, une assistance juridique en cas de poursuites judiciaires envers le tiers responsable de la publication, la suppression ou le noyage du contenu litigieux vous concernant par des spécialistes."

 
Publicité de l'assurance Protection Familiale Intégr@le d'Axa

 
Corrélé à l'augmentation de la cybercriminalité, (l'étude Norton 2012 parle "d'un internaute victime sur trois"  en France cette année) et à son manque de prévention, les messages de ces assureurs semblent bien légitimes.

Pourtant leur garantie ne serait pas infaillible, bien au contraire leurs résultats demeureraient quasi incertains.

Des garanties illusoires

Les assurances n'auraient pas les moyens de remplir leur contrat.
D'aprés l'article "l'e-réputation, un marché comme un autre" d'Omar Urat sur le site universitaire belge L'e-ris, traquer les cybercrimes serait juridiquement bien plus complexe que les assureurs voudraient nous faire croire,  citant le comissaire de la Computer Crime Unit de la Police Fédérale en Belgique  "C'est clair que de la même manière que les autorités judiciaires sont confrontées au problème de la non-existence de convention entre des pays qui abritent des escrocs et la Belgique, les services juridiques d'une compagnie d'assurance y seront exposés sans rien pouvoir faire", explique le commissaire. "On peut identifier les gens mais juridiquement parlant on reste coincé.""

Des exclusions de garanties larges

En se penchant sur les conditions générales de ces assurances il apparaît que les esclusions de garanties ont été judicieusement pensées par les assureurs pour se prévenir de telles difficultés à traquer la cybercriminalité. D'aprés Omar Urat : " Le nombre de clauses d'exclusion semble également élevé et restreint les cas d'intervention de l'assurance en cas de demande de l'assuré. Ainsi, Axa refuse toute intervention lorsque "l'assuré s'est lui-même constitué" une e-réputation néfaste. Ainsi, en cas de litige, le client reste le seul responsable s'il n'a pas pris toutes les précautions pour éviter le problème. L'internaute assuré doit limiter autant que possible la visibilité de ses données privées en sécurisant au maximum leur accès." 
Laura Fort dans son article "la protection de l'e-reputation n'est pas une science exacte" paru dans Latribune.fr partage ce point de vue, prenant l'exemple de Swiss Life "L'assureur ne prend pas non plus en charge les frais liés aux enquêtes pour retrouver l'auteur du préjudice, ni les litiges liés à des informations relatives à l'activité professionnelle ou à un mandat électif. "
Le champ d'intervention de ces compagnies d'assurance n'étant pas aussi étendu qu'elles le proclament, leur message serait donc mensonger et garderait un objectif commercial avant tout.

Du business avant tout

Surfant sur le phénomène trés à la mode de la cybercriminalité et du danger que peut avoir Internet, ces nouvelles assurances ont su tirer profit de la peur que peut provoquer Internet aujourd'hui.
D'aprés l'article du Plus du Nouvel Observateur "Axa assure votre e-réputation ou comment faire commerce sur la peur" de Fabrice Frossard "Avec ce changement de dimension lié à l’e-réputation, passé en quelques mois d’un "buzzword" sur Internet à un vocable grand public, Axa, et Swiss Life jouent à plein sur le caractère anxiogène lié aux réseaux et médias sociaux, lieu de toutes les turpitudes, escroquerie en tout genre et d’atteinte à votre intégrité morale, sinon financière."
Le "planneur stratégique" va alors plus loin et assure que les conséquences d'un tel message publicitaire pourraient être bien plus négatives qu'il n'y paraît. " Le vrai dommage de ce type de campagne, sans sous-évaluer les risques sur internet qui sont effectivement nombreux, réside dans le raccourci qui est fait : internet = danger. Si je ne découvrais internet aujourd’hui qu’à travers le prisme des médias et publicités, le réseau serait constitué uniquement de réseaux sociaux gigantesques où le droit peinerait à régner et de e-commerçants aux pratiques potentiellement douteuses. Cette projection d’internet à peine caricaturale est potentiellement celle perçue par de nombreux parents dont les enfants traînent sur Facebook, Youtube, Twitter et autres plateformes de jeux, des enfants qui communiquent par posts interposés et qui parfois, comme dans la vraie vie, se font coincer par des méchants dans la cour du net."

La solution à la cybercriminalité ne résiderait donc pas dans ce type propagande mais plutôt dans un rôle de prévention que chacun aujourd'hui se doit d'endosser.



Sources :



http://leplus.nouvelobs.com/contribution/514280-axa-assure-votre-e-reputation-ou-comment-faire-commerce-sur-la-peur.html